Brocéliande sur ses chemins de légende
Voici le vagabondage de 12 rêveurs, partis à la découverte des mythes et des légendes dans la forêt de Brocéliande, aux abords de la ville de Paimpont.
C’est par la porte sud de cette forêt que tout commence, au départ de la base de loisirs de Saint-Malo-de-Beignon, oui Saint-Malo, nom qui évoque l’ancienne résidence d’été des Evêques de Saint-Malo au 11è siècle.
Cette randonnée bucolique permet de marcher sur les traces de Lancelot et Guenièvre dans la magnifique vallée encaissée de l’Aff, cours d’eau qui, depuis sa source, coule à travers le schiste pourpre des sols.
Le circuit est très attrayant et riche, passé l’étang, nous y découvrons campagne et forêt. Le long de la verdoyante vallée, nous passons devant un endroit nommé le Rocher glissant. Selon la légende, ce serait l’endroit où Lancelot aurait aimé Guenièvre pour la première fois, où sur un lit de fougères, ils s’allongèrent… Soudain la forêt devint alors silencieuse, l’Aff se figea et le vent s’immobilisa.
Il lui avait donné auparavant son premier baiser sur le pont du secret.
Simple légende où véritable histoire, le mystère reste entier tout comme la provenance du nom « Aff », qui renvoie à sa racine bretonne, mais est-ce « avon » qui signifie « rivière » ou « aff » qui signifie « baiser » ?
Nous poursuivons notre chemin, dans un petit coin de forêt, où s’échappe l’Aff, un joyau insolite se cache parmi les grands arbres : Le Jardin des Affolettes.
Ce palais de fleurs et de plantes est l’œuvre d’un homme, l’œuvre d’une vie, l’œuvre de celui que l’on surnomme l’ermite, Fernand Jaillet. Tombé amoureux du lieu, il décide d’y construire un chalet en rondin pour y passer des jours paisibles. Paysagiste dans l’âme, il y façonne son jardin pour en faire un lieu unique. Il crée des escaliers, une grotte, sculpte des visages dans la pierre. Il y plante près de 500 rhododendrons divers et variés.
Au fil de cette randonnée d’une douzaine de kilomètres, nous avons découvert une architecture faite de grès rouge et de pierres de schiste du pays.
Perdu au fin fond du Morbihan, à l’ouest de Paimpont, le petit bourg de Tréhorenteuc, hauts lieux de Brocéliande, nous accueille au milieu de nulle part pour démarrer notre seconde journée d’aventure d’une bonne vingtaine de km.
Chemin faisant, nous passons au village de Folle Pensée qui tire son nom des vertus curatives de la Fontaine de Barenton pouvant guérir la folie. Nous la découvrons quelques pas plus loin.
Ici, la forêt grouille de fées, de korrigans et d’autres lutins que seuls verront ceux qui prendront le temps de se laisser guider par la magie de ces bois.
La source se dévoile par surprise. Quelques blocs de pierres entourent un modeste trou d’eau abrité par un taillis de chênes. Cette source d’eau naturelle, tantôt guérisseuse, tantôt capable de provoquer de grands cataclysmes, agite l’imagination des hommes tout autant qu’elle fascine.
Ne dit-on pas qu’en versant son eau sur le perron posé à ses côtés, un formidable orage se déchaîne aussitôt sur la région. Des générations y ont cru, et pendant longtemps s’y sont rendues en procession les années de sécheresse.
Si nous avions montré un peu de patience nous aurions pu apercevoir le bouillonnement qui s’y fait dans cette eau froide comme le marbre. Il se dit que si, Mesdames vous êtes en mal d’amour, rendez visite à la fontaine, offrez-lui une épingle et dites à voix haute : « Ris, ris fontaine, je vais te donner une belle épingle » Si la fontaine vous gratifie de bulles, alors vous serez mariée avant Pâques.
Plus romantique, Barenton, abrite aussi les amours de l’enchanteur Merlin et de la fée Viviane, c’est aussi l’histoire de « Brun de la Montagne » roman composé en vers dans les dernières années du XIIIe siècle.
Nous continuons notre chemin, pour arriver sur un site culminant à près de 200 mètres offrant un très joli panorama, là un monument en schiste rouge s’élève sur les hauteurs, la maison ou « l’Hotié » de Viviane, petit tumulus ou sépulture de structure très originale.
La légende dit que ce serait un refuge pour la fée Viviane qui y venait pour y trouver la paix et que c’est à cet endroit que Merlin, éperdument épris de Viviane lui aurait dévoilé certains de ses secrets jusqu’à celui qui causera sa perte. Lasse de ses absences, la fée utilisera la formule pour emprisonner l’enchanteur à jamais.
Erigé au néolithique, ce monument remplissait une fonction funéraire, d’où provient son autre nom : le Tombeau des Druides.
Laissons la fée Viviane et prenons la porte d’entrée vers le Val sans retour, un site naturel exceptionnel, creusé dans la roche pourpre qui est surtout connu comme étant le domaine de la fée Morgane et appelé aussi Val périlleux ou Val des Faux-amants.
La fée Morgane qui serait demi-sœur du roi Arthur, connaît la magie de Merlin. Elle arpente fréquemment le Val Sans Retour, attendant avec impatience la visite du chevalier Guyomard dont elle est éperdument amoureuse. Un jour, Morgane surprend son bien-aimé en compagnie d’une jeune femme. Sous la colère, la fée se venge et pétrifie les deux amants sur la crête du Val. Ces deux pierres, liées l’une à l’autre forment le Rocher des Faux-Amants.
La fureur de Morgane ne s’arrête pas là, afin de condamner les infidèles de corps et d’esprit, elle jette un sortilège sur tout le Val à tous les chevaliers infidèles à leur serment d’amour en les enfermant dans une prison d’air impénétrable pour l’éternité sans notion de temps et de lieu.
C’est Lancelot du Lac, chevalier valeureux et fidèle aux serments d’amour faits à la reine Guenièvre, qui rompit le charme, obligeant Morgane à libérer les prisonniers. Mais qui sait si la puissante fée ne sévit pas encore de nos jours…
De quoi dissuader plus d’un randonneur ! Pourtant, les sentiers du Val sans Retour sont fréquemment empruntés, la beauté et la magie des lieux y sont certainement pour quelque chose…
À l’entrée de ce Val sans Retour, la surface immobile du Miroir aux fées semble annoncer la frontière entre rêve et réalité : où est l’envers, où est l’endroit ?
L’étendue d’eau logée dans le creux de la vallée servait autrefois à alimenter un moulin. Ses eaux « vives et claires comme l’argent » aurait servi, dit-on, de demeure à 7 fées, toutes sœurs.
Un jour, poussée par la curiosité, la plus jeune d’entre elles s’approche d’un humain et tombe follement amoureuse. Les deux amants vivent de doux moments en secret jusqu’à ce que les fées découvrent leur histoire et décident de se venger…
Vous l’aurez compris, les fées peuvent parfois s’avérer impitoyables ! Mais si vous vous penchez au-dessus du Miroir aux fées, peut-être apercevrez-vous leurs visages…
A quelques pas plus haut, domine l’Arbre d’Or, une œuvre d’art créée par François Davin en 1991 suite au terrible incendie qui a dévasté en 1990 plus de 400 ha de landes. Cet arbre recouvert de véritables feuilles d’or symbolise la renaissance de la forêt, mais aussi le caractère fragile et précieux celle-ci. Il est entouré de 5 arbres calcinés qui représentent la disparition de la nature.
Une curieuse crête de schiste veinée de quarts se trouve sur les hauteurs du Val sans retour. Ce serait l’épine dorsale d’un dragon ou bien le siège de Merlin…
C’est sur les traces de Merlin l’Enchanteur que Nicolas a choisi de nous emmener pour cette troisième journée de randonnée longue de 23 km.
A quelques pas du départ, le chêne des Hindrés nous accueille. Notre aîné de 500 ans environ, haut de 18 m et d’une circonférence de 5m10 est probablement le dernier d’une très ancienne futaie. Son aspect vénérable et son imposante ramure nous plongent dans un décor envoûtant qui rendrait envieux plus d’un druide ! Le terme « Hindrés » signifierait « lieu humide ».
Non loin de notre remarquable compagnon, vous trouverez une fouée de charbonniers reconstituée. La fabrication du charbon était une activité très développée en Brocéliande, de nombreuses histoires se racontaient sur l’étrange vie de ces Hommes de la forêt, …
Le tombeau de Merlin est un incontournable à voir, lors d’une balade à Brocéliande. Les huit supports, encore visibles au XIXe siècle, furent détruits par le propriétaire du terrain. Seules restent en place les deux pierres que l’on voit aujourd’hui.
La légende raconte que la fée Viviane, éperdument amoureuse de Merlin, a enfermé son maître dans un tombeau afin de le garder près d’elle.
Cette légende dit aussi que si deux personnes font 9 fois le tour en se tenant la main, ils restent amoureux toute leur vie, comme avait fait Viviane pour emprisonner l’enchanteur et le garder près d’elle.
La Bretagne est une terre d’aventures et de mystères. Sa richesse historique et ses paysages époustouflants font écho à son patrimoine légendaire.
Nous arrivons au tombeau de Merlin l’enchanteur. Ce sorcier Merlin est au cœur d’une histoire d’amour impossible. Après avoir aidé Viviane alias La Dame du Lac à acquérir toutes ses connaissances magiques dont celle de garder un amour pour toujours, Viviane ensorcelle Merlin en le plongeant dans un sommeil profond. Ensuite, à l’aide d’un sort puissant, la fée Viviane a emprisonné son bien-aimé dans un tombeau.
Est-il encore enfermé dans sa prison magique ?
A-t-elle consenti, comme certains le disent, à le libérer pour que le monde profite de son immense savoir ?
Le cercle de pierre entourant le tombeau représenterait le maléfice qui empêche Merlin de sortir.
A quelques mètres du tombeau de Merlin se trouve la fontaine de Jouvence, source dont l’eau possède de mystérieuses propriétés de guérison et… de rajeunissement !
Il semble qu’à l’origine, le lieu servait de culte druidique où venaient se faire “baptiser” (le terme est volontairement anachronique) les nouveaux nés de l’année. Au solstice d’été, tous les nourrissons des alentours, venus au monde au cours de l’année passée, étaient présentés aux grands prêtres afin qu’ils puissent être lavés dans la source et inscrits sur le « Marith » ou registre. Ceux nés après le 21 juin ou ceux dont les parents n’avaient pu amener l’enfant, devaient attendre le prochain solstice. L’enfant était alors considéré comme nouveau-né et par conséquent était rajeuni d’un an !
Voilà l’origine de la fable de la fontaine de Jouvence, qui avait le pouvoir de rajeunir.
Mais après tout pourquoi pas essayer, son eau limpide rendrait jeunesse au corps et au cœur de celui qui la boit !
Ainsi pour obtenir la jeunesse éternelle, il vous faudra :
Venir à minuit au solstice d’été, pieds nus.
Boire un bol d’eau pure de la fontaine
Avoir été parfait tout au long de votre vie.
Facile n’est-ce pas ?
Selon votre degré de perfection, vous rajeunissez de quelques secondes, quelques minutes, quelques heures et pour les plus chanceux, de quelques années…
Notre journée randonnée se termine par l’étang de la Marette, lieu de passage du circuit « A la mémoire de Merlin ». Il est alimenté par le ruisseau du Pont Dom Jean. C’est un lieu calme et paisible à deux pas de la fameuse carrière du même nom.
Cette ancienne carrière de la Marette occupe un site paysager de dimension modeste (0,7 ha) mais de grand intérêt géologique, surplombé de falaises hautes d’une douzaine de mètres. Elle a été exploitée par une entreprise locale jusqu’en 1955. La roche extraite servait à l’empierrement des chemins et à la production de moellons. Une fois abandonné, le site attira l’attention des géologues à la recherche du contact entre le Briovérien et le Paléozoïque.
C’est autour du Moulin de la Houssaie au cœur de la forêt de Brocéliande que le dernier jour, nous avons randonné durant 12 km avant de revenir sur Orléans.
Dans ce lieu apaisant Diana et Julien nous ont accueilli avec chaleur et sympathie dans leur Moulin – une magnifique bâtisse ancienne datant du 17ème siècle, entièrement rénové dans le respect de l’environnement. Un domaine de 2 hectares avec étang et prairies, entouré de chênes centenaires.
Alliant la chaleur des bois anciens, la pierre à la modernité, nous y avons trouvé confort, originalité et authenticité. Encore un grand merci à eux deux.
Ainsi s’achève notre aventure. Aujourd’hui l’esprit du prisonnier de Brocéliande court le monde et attire les rêveurs des temps enchantés. Ombre étrange, être énigmatique qui incarne sans fin le mystère de l’aventure arthurienne.
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